Restaurer un rapport au monde sécure chez l’enfant

Mady_Gatineau_20180717_180314-1

Article de Mady Faucoup, psychothérapeute

Dans la revue Hypnose et Thérapies Brèves N°65, je proposais une façon de travailler sur les règles chez l’enfant, afin de favoriser son autonomie au sein d’une famille où chacun respecte des limites au nom de valeurs communes partagées. C’est un travail de contenance nécessaire au bon développement de l’enfant. Il passe par des « conséquences » établies d’avance si les règles familiales ne sont pas respectées. Le terme de conséquences plait étrangement aux enfants. Ils ont compris que quand « ça roule » elles changent, et la vie de familiale s’en trouve améliorée ! Dans cet article, l’exemple clinique montrait comment cela avait permis à l’enfant et à sa famille de s’accorder et de vivre ensemble de nouvelles interactions dans un cadre plus paisible.

Je vous propose maintenant une autre vignette clinique assez caricaturale de la façon dont un enfant peut résister à ce changement systémique tant il s’est installé dans un disfonctionnement relationnel massif.

J’avais fait la première séance en mettant en place la démarche sur les règles. Le plus souvent les enfants hostiles au début partent en montrant à leurs parents, d’une façon ou d’une autre, leur approbation à ce que je propose. Celui-ci était resté sur la réserve.

 Je vais vous décrire comment je m’y suis prise ensuite avec cet enfant en TLMR*  pour le contenir, pour l’apaiser et enfin pour lui permettre de faire l’expérience de l’attachement dans la fusion/défusion.

Il s’agit de Mathis, il a seulement 4 ans et demi. Deuxième séance.

Je viens chercher Mathis avec ses parents dans la salle d’attente. Il montre un regard de défit en ma direction. En même temps c’est comme si il me disait « occupe-toi de mes parents, moi, je n’ai rien à faire là » !

Dans le bureau, il continue à s’opposer fermement, et il me regarde avec un air qui me dit clairement « c’est moi le chef ici ». Je commence tout de même à faire le point avec les parents qui ont mis en place le protocole précédent et qui ont observé déjà des améliorations.

Mais Mathis met le bazar, il empêche ses parents de parler avec moi, ceux-ci le recadrent, il monte de plus en plus le ton, puis ça devient un véritable conflit ouvert. Mathis crie, s’agite de plus en plus.

Le panier à calmer :

 Je préviens ses parents que je vais faire quelque choses pour aider Mathis à ses calmer. Je leur demande juste d’observer ce que je vais faire. Je prends alors Mathis dans mes bras, simplement et naturellement sans faire de commentaires. Je le maintiens en position de fœtus, en encerclant son corps tout entier. Mes mains fermées forment une fermeture contenant. Je me centre, debout, dans une position de pleine présence à ce qui se passe chez moi, chez lui et entre nous deux, tout en observant les parents. Je dis à Mathis « ton corps est dans un panier à calmer, ce panier tient ton corps pour le calmer (langage métaphorique et indirect). Mathis s’agite de plus belle. Je lui dis : « plus ton corps s’agite et plus le panier rétrécit pour mieux tenir ton corps et lui permettre de se calmer »Je ferme un peu plus mes bras contre lui. Il se met à hurler, à m’insulter même. J’observe que les parents sont mal à l’aise vis-à-vis de moi. Je continue calmement en les rassurant, je fais ce qu’il y a à faire, c’est ok pour moi et tout ça doit aller jusqu’au bout maintenant. Mathis se calme un peu « le panier s’agrandit » dis-je, il en profite pour se remettre à gigoter.

 Moi : « le panier rétrécit ». Mathis  veut aller dans les bras de sa mère, je desserre le panier pour tester sa réaction, il hurle sur sa mère qui ne fait rien pour lui, je resserre à nouveau et ainsi de suite, toujours en commentant l’action du panier… Ce petit jeu va durer un bon quart d’heure. C’est long! Il va falloir ce temps pour que Mathis s’apaise peu à peu. Il va demander les bras de sa maman d’une manière telle qu’il est prêt à retrouver sa place d’enfant qui a besoin à la fois de sécurité et de tendresse.

Contenance et non pas contention

Il y a trois paramètres qui m’ont permis de faire  ce travail

  • Il s’est passé devant les parents qui ont pu observer
  • Ils  m’ont fait confiance.
  • J’ai été ferme et assurée dans ce que je faisais.

Il est donc nécessaire d’évaluer ce qui est possible et de respecter le bon moment, quand la confiance est bien installée et que le thérapeute est prêt à contenir l’enfant et à aller jusqu’au bout en restant en pleine présence.

Car les parents peuvent ne pas supporter de voir leur enfant crier. Ils peuvent avoir l’impression qu’il est contraint. Or la contenance n’est pas la contrainte. C’est la raison pour laquelle j’ai imaginé un panier qui permet de trianguler. L’intention du panier est juste de calmer, c’est plus simple que de confronter l’enfant à l’action du parent lui-même qu’il

 Interprètera comme une contrainte de corps à corps, comme ça se passe souvent quand ça va trop loin.

Cette pratique leur sert de modèle pour leur permettre de se l’approprier avec l’enfant. Elle peut être faite avec des bébés qui ont besoin de s’apaiser, lorsque les cris manifestent de la colère. Elle est très efficace, et là encore, il est nécessaire que les parents soient en mesure de se centrer pleinement pour le faire.

Comme pour les règles, les enfants plus grands comprennent aussi la démarche, pas de manière intellectuelle mais ils savent qu’ils ont besoin de limites, ce pourquoi ils les cherchent ! Ils réclament bien souvent d’eux-mêmes cette pratique à la maison avec leurs parents quand ils partent en vrille.

Car ensuite, ils pourront ensemble passer à l’étape suivante, cerise sur le gâteau qui participe à la construction d’un attachement « secure ».

Le travail d’attachement (aussi nommé câlin de ventre)

 Je pose enfin Mathis dans les bras de sa maman. Il se blottit, face contre elle, et je fais le lien entre eux avec du taping alternatif entre son épaule et celle de sa maman. Là, je propose de travailler l’accordage entre eux. Je lui dis : « Imagine que tu redeviens tout petit, tout petit, petit et tellement petit que tu rentres à nouveau dans le ventre de ta maman». Je dis à la maman d’imaginer aussi que son enfant redevient tout petit, tout petit et tellement petit qu’il rentre à nouveau dans son ventre. Mes mains restent posées maintenant sur leurs épaules, ils ne font plus qu’un et je triangule en percevant ce qui se passe entre les deux. Il y a un moment de fusion totale entre eux puis Mathis se remet à bouger, il descend des genoux de sa maman et va jouer tranquillement. Je finis la séance avec les parents en reprenant avec eux ce qui a changé depuis la première séance et en les encourageant à continuer, tout en les félicitant d’avoir réussi à le faire.

A la séance suivante, c’est un autre Mathis qui arrive à la séance, tout fier de me dire qu’il n’y a pas eu de « conséquences ». Enfin si, il y a eu une conséquence mais elle est positive! Il est dans la coopération, et ses parents lui font plein de compliments. Je n’ai pas eu besoin de les revoir car tout est rentré dans l’ordre ensuite.

Ce n’est pas toujours le cas bien sûr, mais ce travail permet de savoir alors ce qu’il va falloir travailler dans le relationnel familial et qui est dysfonctionnel. L’enfant est alors symptôme de ce monde relationnel. Le travail sur le cadre pourra apporter des améliorations, mais ne réglera pas le problème sous-jacent.

Attachement sécure et autonomie

Le câlin de ventre est un excellent moment d’attachement sécurisant qui permet d’aller jusqu’au bout de la fusion des deux corps. L’enfant a internalisé le lien et peut repartir avec,  C’est le corps de l’enfant qui signe que c’est ok. Il va se remettre à bouger et se séparer tranquillement. Cela peut aller très vite.

C’est la répétition de ces moments « sécure » qui permet à l’enfant de pouvoir prendre appui sur ce lien pour s’autonomiser ensuite.

Conclusion

Dans le travail thérapeutique avec les enfants, lorsqu’il s’agit avant tout d’un problème de cadre, ces manières de faire sont des réponses appropriées, qui vont aider les parents à mieux assurer leur rôle de parents en lien avec leurs valeurs profondes. Elles permettent finalement un nouvel apprentissage aussi bien pour les parents que pour les enfants !

*Thérapie du Lien et des Mondes Relationnels (Pratique de psychothérapie, développée par le Dr Eric BARDOT et enseignée à Nantes à l’Institut Mimethys)

Faucoup Mady, psychothérapeute
Mis en ligne le 09/04/2024