Article publié dans la revue Hypnose et Thérapies Brèves N°66 (août 2022).
Autrice de l’article : Karine FICINI | Sexologue, Psychothérapeute.
Biographie professionnelle :
Formée en sexologie : Diplômée d’un DIU, Dr Lopez à L’université de Nantes ainsi que d’un
diplôme National de sexologie. Je me suis formée en Hypnose (Docteur Eric Bardot à l’Institut Miméthys), HTSMA (TLMR) (Docteur Bardot à l’Institut Miméthys) et en Thérapie Narrative (Docteur Julien Betbèze et Dr Eric Bardot à L’Institut Mimethys).
J’exerce actuellement en tant que psychothérapeute et sexothérapeute. Mon métier de sage-femme a été pour moi le préambule qui m’a permis d’accoucher de mon métier de psychothérapeute et en parallèle, dans un même mouvement. Il m’a permis d’évoluer en accoucheuse d’âme vivante et de me vivre comme passeuse de vie. Les thérapies du lien me permettent d’accompagner les patients et de les conduire vers une RE-naissance.
J’ai choisi à travers cet écrit de vous témoigner de ce que je peux vivre à travers mon métier, mon travail de thérapeute du lien. En écrivant ces mots je me demande d’ailleurs si le mot travail n’est pas trop réducteur et j’en suis sûre maintenant qu’il l’est, car, bien plus qu’un travail, il est avant tout une passion, une partie de ma vie. Je pourrais même dire qu’en retour de cette pratique de thérapeute du lien, ces expériences thérapeutiques me rendent encore plus vivante.
Il s’agit donc ici d’échanger sur les thérapies du lien : TLMR et Thérapies Narratives
auxquelles j’ai choisi d’être formée au sein de l’institut Mimethys, il y a quelques années déjà.
Au fil du temps et des expériences au sein de mon cabinet, tout en m’appuyant sur mes pairs (souvent virtuellement présents, invités au sein des séances de psychothérapie), et sur les thérapies du lien, il est devenu primordial pour ma pratique de mettre au centre de mon activité la “remise en vie” du lien relationnel ou plus simplement, avec douceur et patience de permettre au patient lorsqu’il est prêt, de vivre une expérience du lien humain.
Lorsque je parle de “remise en vie” du lien humain, il s’agit là de la remise en vie du lien avec l’autre, ce lien qui a été dans la plupart des cas malmené dans l’histoire du patient et pour d’autres quasiment inexistant.
Se réconcilier avec la relation à l’autre à travers le lien thérapeutique en devenir, qui va se tisser maille après maille au fil des séances.
Et c’est en cela que nous pouvons en effet dire que thérapeute du lien est un véritable métier “à tisser” du lien humain.
Retisser la relation à l’autre qui va permettre l’émergence d’une nouvelle relation à soi, différente, dans la confiance et la sécurité qui va permettre une relation au monde là encore différente, plus apaisée.
Car il s’agit bien de cela, dans la dissociation que peuvent vivre parfois nos patients, de faire émerger ces sensations corporelles de “remise” en relation avec un autre être humain qui présentement se trouve être le thérapeute.
Qu’importe la façon d’y aboutir, qu’importe l’appuie sur telle ou telle manière de faire (TLMR ou thérapie narrative), ce ne sont “que” des moyens de transports, des véhicules permettant de transporter notre intention d’accordage avec le patient.
L’intérêt est d’aboutir tranquillement, pas à pas, à une rencontre humaine.
Il ne s’agit pas de fixer des objectifs mais d’objectiver une rencontre; de parcourir ensemble, le temps d’une consultation, puis d’autres peut-être, un bout de chemin ou l’on ne se sent plus tout seul, où nous nous sentons ensemble, dans un tout relationnel.
Ce n’est plus le Mon, le Ton mais bien le Nôtre, cet espace délicieux comme pourrait le mettre en forme le célèbre pâtissier, Lenôtre: cet assemblage de lettres : deux singuliers :
Le Mon et Le Ton qui s’allient pour devenir un tout : Le Notre, pour aboutir à un
accomplissement accordé ou devrais-je dire à un accouchement de : Lenôtre.
Cela, vous me l’accorderez j’espère, ne peut être que délicieusement bon !
Et comme une savoureuse pâtisserie, le Notre se vit, se ressent dans notre corps, au plus profond de nos entrailles comme un sang nouveau se met à recirculer : une vie en lien avec l’Autre.
De mon vécu, à travers ces expériences de soin, il s’agit à chaque fois d’une rencontre tout simplement humaine qui nous permet ensemble, de savourer des minutes partagées ensemble, minutes uniques puisqu’à chaque entretien il s’agit bien d’aller rejoindre l’autre, unique, et de rentrer dans une rencontre de cet autre si différent mais si semblable dans son désir tout simple d’être accepté tel qu’il est, sans porter de jugement , mais juste retrouver cet ajustement infime d’un accordage subtil créant un accord comme une corde d’un violon et celle d’un autre se mettraient à revibrer ensemble réanimées par le mouvement de la vie.
D’une séance à l’autre, je prête particulièrement attention et observe comment le patient aura commencé à avancer dans sa vie, quelle action aura t’il mise en place ? Car, la remise en vie passe par le faire, en posant des actions concrètes après être passé par le désir de…
C’est l’action qui porte l’intention et le processus de vie ne se terminera que lorsqu’ un tier pourra percevoir cette intention à travers l’action mise en place par la sujet.
Pour conclure, c’est la reco-Naissance de cette intention par le tiers, qui va permettre à la personne qui a réalisé l’action, en retour, de se connecter complètement à l’autre et donc de se sentir vivant en lien.
J’ai choisi d’illustrer mes propos par une expérience avec un patient, Daniel, 58 ans, venu consulter pour “faire le point” sur sa vie et peut-être se sentir un peu mieux et différent dans l’avenir et plus particulièrement dans sa vie affective.
Daniel est d’origine Réunionnaise, il témoigne d’une vie complexe; tout à commencé il y a fort longtemps : orphelin de ses deux parents à l’âge de 4 ans, il a 7 frères et soeurs. Daniel sera élevé par une de ses grandes soeurs qui, majeure, va assurer “le maintien” en vie, la survie de cette grande fratrie.
Daniel deviendra père de 4 enfants avec comme épouse une femme bipolaire ( dont le diagnostic ne se fera que très tardivement, lorsqu’il sera déjà en métropole) avec qui la vie maritale deviendra très compliquée rapidement. Après de nombreux efforts et déboires, ce père de famille fera le choix de quitter l’île de la Réunion en y “abandonnant”(selon ses propres dires) ses 4 enfants à une mère profondément en difficultés et n’ayant aucun suivi psychologique. Cela est un grand regret douloureux pour Daniel.
Il arrive en métropole, se remet en couple avec une nouvelle compagne avec qui il a deux enfants, des jumelles : 3 mois après la naissance de leurs jumelles, cette femme, elle aussi Réunionnaise, “l’abandonne” (toujours selon ses dires) pour retourner à l’Ile de la Réunion: il rentre un soir et l’appartement est vide…
Daniel dit que les relations avec ses 6 enfants sont désormais “apaisées” : il leur a demandé pardon et ils ont pardonné à ce père dont ils ont été séparés, soit qui les a abandonnés ou soit qui lui ont été enlevés.
Il dit entretenir de bonnes relations actuellement avec chacun d’entre eux que ce soit à l’Ile de la Réunion pour certains et en métropole pour d’autres.
Daniel dit avoir un bon ange gardien qui l’accompagne dans sa vie d’homme et qui a permis ces réconciliations familiales.
Par ailleurs, Daniel est actuellement dans une relation de couple qui est sur le point de se terminer; Cette relation où il dit ne pas se sentir bien, étant régulièrement en conflit avec sa partenaire qui cherche “ bataille”. Il est d’ailleurs à la recherche d’un appartement pour se retrouver au calme avec lui-même. Cette démarche de psychothérapie s’intègre pour lui dans ce désir de se retrouver et faire le point sur sa vie avec un souhait de trouver un équilibre dans ses relations affectives futures.
La première séance permet de prendre connaissance de tout ce déroulement de la vie de Daniel et je lui propose dans la deuxième partie de notre premier rendez-vous d’expérimenter une séance d’auto-hypnose avec un vécu de scanner du corps pour débuter une sorte d’ancrage corporel et de connexion au calme qu’il souhaite retrouver.
Je l’informe qu’il pourra s’il le souhaite bien sûr réitérer chez lui,par curiosité ou pour toute autre raison cette expérience corporelle, aussi souvent qu’il en aura envie.
A notre deuxième rendez-vous, Daniel dit avoir peu pratiqué l’autohypnose par manque de temps. Il dit ne pas trouver d’appartement et m’informe qu’il n’arrive pas à se mettre en route pour cette recherche. Je lui demande qu’est ce qui lui serait vraiment utile pour lui dans cette séance pour ce problème là, il me dit qu’il aimerait avoir davantage confiance en lui.
Ce qui se traduirait chez lui à marcher la tête haute en sortant du cabinet, d’un pas plus assuré et de se sentir plus léger, et plus fier.
-Je lui demande si se sentir fier c’est quelque chose qu’il imagine ou bien si c’est quelque chose qu’il a déjà ressenti.
-Il l’a déjà ressenti.
-Je lui demande quel souvenir lui vient où il s’est senti en confiance et fier de lui.
-”Quand mon fils m’a annoncé qu’il allait être père et moi devenir grand-père.”
-Je lui demande de me décrire la scène, où il se trouve? Dans quelle pièce? Y a t’il d’autres personnes? Je propose à Daniel de prendre quelques instants pour me décrire cette scène en détail et de répéter à voix haute les paroles échangées entre son fils et lui, et d’entendre ce dialogue maintenant, tout en proposant à ses yeux de se fermer quand ils le souhaiteront, soit dès le début de ce récit, soit pendant ce récit, ou soit à la fin de ce récit.
-Les yeux de Daniel se ferment à la fin de cette description de cette cette scène dans laquelle je me trouve avec lui, ici et maintenant.
-Je demande à Daniel quelles sont ses sensations dans son corps maintenant ?
-”C’est l’apaisement qui est là.”
-J’accompagne cet apaisement partagé en pratiquant du taping au niveau des genoux de Daniel avec un mouvement de bercement.
Je fais celà pendant une dizaine de minutes, tout en vérifiant régulièrement les sensations de Daniel qui dit être dans l’apaisement et le calme.
En même temps, j’observe la tête de Daniel basculer de plus en plus vers l’arrière ( il est assis sur un fauteuil/chaise).
-Je propose à Daniel la chose suivante: “m’autorisez-vous Daniel à me placer derrière vous et autorisez-vous mes mains à rentrer en contact avec vos épaules ?”
-”Oui”
-Je me place derrière lui en plaçant mes mains en contact avec ses épaules et sa tête prend progressivement appuie contre mon ventre.Je fais un taping léger puis reste simplement dans cette position de soutien pendant 25 mns environs.
J’observe mes sensations : je suis apaisée, et vérifie régulièrement où en est Daniel.
Celui-ci semble basculer dans un léger sommeil comme en témoignent ses ronflements ou ronronnements peut-être…
Puis il dit :
-“Je respire mieux!”
Puis:
-”Je ne suis plus seul !”
Puis:
-”Je sens la légèreté dans mon corps et mes jambes sont lourdes.”
Daniel profitera encore quelques minutes de cette expérience de soutien, puis sa tête se détachera tranquillement de mon ventre et ses épaules de mes mains.
-Je lui proposerai, tout en restant connecté à cette expérience de légèreté d’ancrer une de ses mains, celle qui sera la plus capable de s’occuper et de prendre soin de cette expérience de légèreté dans la suite de cette séance, dans les jours, les semaines, les mois et les années à venir.
Cette main s’ancrera en regard de son coeur.
Un sensation de chaleur s’installera dans ce contact entre sa main et son coeur. Des mouvements oculaires accompagneront ses ressentis, comme on accompagne un petit par la main sur le chemin, avec douceur.
-Je propose à Daniel que ma main entre en contact avec son épaule, et lui propose de faire venir les tiers sécures dans cette expérience de légèreté avec laquelle il est connectée.
-Maintenant que Daniel dit “Je suis mieux qu’en arrivant”, je lui demande ce que ce “mieux” signifie pour lui en terme de sensation corporelle ? “C’est la légèreté”. Je lui demande ce que cette légèreté lui donne envie de faire, de réalisable dans cette journée et qu’il n’avait pas prévu de faire et n’aurait pas eu envie de faire si nous n’avions pas vécu cette expérience ensemble cet après-midi ?
-”Je vais trier mes papiers pour rassembler toutes les pièces nécessaires à fournir auxagences pour la recherche de mon appartement”.
-”A quel moment pensez-vous faire celà Daniel pour que je puisse être avec vous à ce moment-là ? »
-”A 21h ce soir”
-”Et comment allez-vous vous y prendre pour trier ces papiers? Dans quel endroit allez-vous vous installer? Pouvez-vous me décrire cette scène ?”
-Daniel me décrit qu’il va s’installer sur son lit et après avoir récupéré ses dossiers dans une boîte de rangement, il les installera sur le lit autour et devant lui.
-Je lui demande de se mettre dans la scène qu’il vient de me décrire et je l’accompagne par des mouvements oculaires.
-Je lui demande “sur une échelle entre 0 et 10 où se trouve t’il dans la réalisation de cette tâche qu’il vient de me décrire ?
-”10”
-”Très bien” Je lui reformule la scène tout en l’invitant une dernière fois à se remettre dedans, ici et maintenant tout en réitérant des mouvements oculaires.
Je lui demande si c’est acceptable pour lui que l’on termine cette séance pour aujourd’hui et après son approbation la séance prend fin.
Le mouvement de la vie permet à Daniel de sortir léger et la tête haute de mon cabinet .
Lorsqu’il quitte la pièce, le sourire est présent sur son visage, en partant, il témoigne de sentir plus d’énergie avec l’envie d’avancer dans sa vie.