Les apports de l’HTSMA sur la posture du thérapeute

rondonypM.RondonyMédecin addictologue
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Ma posture avant la formation

Je suis très sensible à la qualité de la posture professionnelle. C’est à la fois une manière d’être et la résultante de valeurs incarnées par le professionnel. 

La posture professionnelle me parait être un des déterminant fondamental de la qualité de l’alliance thérapeutique et même de « l’efficacité thérapeutique ».

D’abord, ma posture thérapeutique s’est construite dès ma période de formation initiale en réaction et rejet de la posture du praticien tout puissant et savant qui sait et prescrit une ordonnance à un patient qui doit exécuter le traitement… et même parfois le patient n’existe plus, laissant juste apparaitre un organe malade sur lequel sera pratiqué un geste extrêmement protocolisé. (…)

Ainsi, le premier élément qui anime ma posture professionnelle est l’humanisme, cela implique de ne jamais oublier que l’on s’adresse à une personne, à un autre humain, un égal à ce titre. Cela va avec un grand respect de la personne et de ses choix, dans le non jugement.

J’aime  évoquer  la  personne  de  Carl  Rogers,  qui  est  un  Maître  pour  moi,  et  son acceptation inconditionnelle de l’autre comme une personne valable (…).

S’adapter à l’autre et développer son empathie et sa congruence avec le patient en se centrant sur lui et en faisant confiance à son potentiel pour trouver des solutions qui déboucheront sur un nouvel équilibre.

Cette capacité d’adaptation implique de développer la compétence du non savoir dans la connaissance. J’aime développer en moi une attitude de curiosité et d’ouverture à l’inconnu.

Un autre élément qui anime ma posture est de me placer en position d’accompagnement. Elle implique de la non directivité, on va avec, on marche à côté, sans imposer ni le rythme ni la direction à la personne. Milton Erickson est pour moi un autre Maître porteur de cette qualité (entre autres) : c’est le patient qui trouve sa solution, soutenu par une relation bienveillante nourrie par une réciprocité et une intersubjectivité.

Et je dirais enfin qu’un  élément qui nourrit et oriente ma posture  professionnelle est l’apprentissage par l’expérience acquise jour après jour. Les erreurs sont des expériences particulièrement enrichissantes également. Et comme le dit fort bien Jean- Yves Leloup, « l’erreur nait de l’oubli de la vérité contraire ». (…)

Voilà en quelques phrases la perception dynamique que j’ai de ma posture de thérapeute.

L’évolution de ma posture

(…)

Plusieurs évolutions me viennent à l’esprit :

  • Cette formation  à l’HTSMA m’a permis de créer des liens nouveaux entre mes pratiques, mes savoirs-faire et mes représentations antérieures. Elle s’est intégrée dans une nouvelle vision plus large que m’avait apporté l’hypnose, en lien avec mes pratiques psychocorporelles antérieures notamment de fasciathérapie et de psychopédagogie perceptive. Elle m’a donné envie d’oser décloisonner tous mes savoir-faire  pour  les mettre  au service du  patient  pour  l’accompagner  dans  sa demande de changement.
  • Cette formation m’ouvre des horizons pour gagner en solidité et adaptabilité dans ma posture professionnelle : elle m’a permis de découvrir de nouvelles stratégies pour gérer des situations auparavant embarrassantes. Et ainsi, oser m’aventurer sur des terrains nouveaux et avec des outils puissants que je n’avais pas (psychotraumatismes, …) Les éléments peut-être les plus importants sont la stratégie d’externalisation du problème dans la main et la triangulation qui permet au patient de mettre le problème à distance, à l’extérieur de lui-même et facilite le recadrage et le  changement  des  représentations  en  s’appuyant  sur  ses  propres  forces  de résilience.

Expériences vécues durant la formation qui m’ont fait prendre conscience de la modification de ma posture

J’ai observé un changement dans ma manière d’écouter et de mener l’entretien, dans le questionnement.  

Régulièrement, au cours de l’entretien, en même temps que je menais la consultation comme je l’aurais fait auparavant, des opportunités de faire autrement faisaient irruption, et venaient me tenter : « là, je quitterais bien le confort de mon bureau pour m’assoir à côté du patient pour faire selon les modèles de l’HTSMA »  mais même lorsque je ne m’autorisais pas à le faire, ma grille de lecture, mes références ont changé peu à peu, malgré des résistances au changement, malgré la peur de ne pas y arriver ou de me perdre si j’osais me lancer…

Ces impulsions  d’actions  avortées me provoquaient  souvent  des frustrations  mais je trouvais sans peine milles excuses pour ne pas me lancer (…)
Pourtant, les fois où je me suis lancé, je me suis senti plutôt à l’aise, j’apprécie de venir m’assoir à côté du patient.  


Un point important qui me libère est de ne pas vouloir « faire » à tout prix une séance d’HTSMA selon les protocoles appris mais de me laisser libre de commencer et si par la suite, l’entretien  prend  une tout  autre tournure, c’est  tout  aussi correct  pour moi. Je donne la priorité à ce qui se présente, et à ce qui me parait juste et facile pour moi. Je sens bien que j’en ai besoin pour  prendre confiance  peu à peu dans cette  nouvelle technique.

Les changement dans ma pratique ou dans ma façon de l’appréhender

Le point  de bascule est clairement le fait pour moi de quitter  mon bureau pour venir m’assoir à côté du patient. Dès ce moment-là, je sens bien que ma posture change

Que représente ce bureau entre moi est le patient ? Une distance assurément, qui sépare. On n’est plus du tout dans la même proxémie avec le patient : l’obstacle du bureau et la distance mettent dans un rapport extra-corporel, le patient et le thérapeute sont au-delà du champ péri corporel d’action, où l’on peut toucher l’autre et être touché.

Pourtant, lorsque je franchis le pas et me mets auprès du patient, je me sens à l’aise et le toucher m’est très familier en tant que fasciathérapeute…

Je pense plutôt que je m’accroche au confort d’une posture qui est moins sollicitante car je m’enferme dans une forme de routine protectrice,  justifiée de multiples raisons, de temporalité (…) : je sens bien que je dois me libérer de cette contrainte de temps quitte à programmer un rendez-vous dédié pour la prochaine fois.  

Parfois, je justifie que je dois rester derrière le bureau parce que je dois noter sur le dossier  du  patient,  écrire  une  ordonnance  :  pourtant  une  bonne  organisation  me permettrait de prendre quelques minutes en fin de séance pour écrire ce qu’il faut…

Cela confronte au changement, oblige à bousculer ses habitudes de fonctionnement.

Mais surtout, sortir de son confort,  c’est  oser et s’exposer en partageant un moment imprévisible avec le patient, durant lequel ni l’un ni l’autre ne sait où cela va le conduire…

Cela va solliciter la confiance des deux « protagonistes ».

Passer de l’autre côté du bureau et venir s’assoir sur la chaise à côté du patient, c’est un peu, symboliquement,  comme  descendre dans l’arène au lieu de rester assis sur les gradins : c’est l’engagement dans l’action (…)

Une  fois  engagé  dans  l’action,   la  posture  professionnelle  change,  on  n’est  plus simplement à un bout de la relation mais littéralement dans la relation.

J’avais rencontré la même difficulté pour la mise en pratique de l’hypnose, mais dans le cas de l’HTSMA, le changement de posture en tant que position spatiale et l’engagement auprès du patient sont inévitables.

Une fois  auprès du  patient,  je sens bien  qu’il  est  nécessaire de  bien  connaitre  les différentes  modélisations  HTSMA pour  pouvoir  s’affranchir  d’un  déroulé  figé  afin  de s’immerger dans la spontanéité de la demande et en formant un tout entre soi, le patient et la relation, dans une l’interaction qui se déploie d’instant en instant.  

Ainsi, s’assoir auprès du patient développe une plus grande confiance en soi et dans l’interaction avec lui, les modélisations sont comme autant de voies connues que l’on peut emprunter à sa guise, à moins que l’on sente l’opportunité  de se lancer dans une voie plus inédite…  

Le ressenti est celui d’une plus grande solidité, apportée par une plus grande adaptabilité et un meilleur accordage, relationnel mais aussi physique par le pacing et la synchronisation au VAKOG du patient, au-delà de l’alliance thérapeutique que l’on peut développer dans un entretien.

Jusqu’à présent, en caricaturant, soit je menais une consultation ou un entretien, soit je faisais une pratique corporelle, soit une séance d’hypnose… Mais les modélisations de l’HTSMA obligent à associer en même temps ces différentes approches, pour lesquelles j’adoptais  auparavant des postures différentes et je me rends compte  que c’est  cette «  réunification  »  de  différentes  postures  professionnelles qui  parfois  me  perturbe  et déclenche des résistances ou des peurs.

Comparé à ma façon  de faire antérieure, je dirais que l’HTSMA offre des protocoles efficaces qui permettent de libérer beaucoup plus vite des problématiques qui autrement auraient demandé davantage de temps.

Mais cela demande de l’entrainement, de la pratique (…) pour intégrer tous ces nouveaux outils dans ma pratique et faire naitre une nouvelle posture  unifiée me  permettant  d’utiliser  librement  tous  mes savoir-faire professionnels. (…)

M. RONDONYmédecin addictologue
Mis en ligne le 29/09/2017